10.10.23
L’Assurance maladie constate la multiplication des fraudes dans le secteur de l’audioprothèse et prévoit de lancer des « contrôles approfondis » auprès de sociétés d’audioprothèse peu scrupuleuses. Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) condamne fermement ces pratiques. S’il salue l’engagement de la CNAM, il en appelle à une plus grande régulation de la profession au service de l’amélioration de la qualité de la prise en charge des déficients auditifs d’une part, et de l’épuration des comptes de la Sécurité sociale d’autre part. Le SDA rappelle ses différentes propositions pour mettre un terme à ces pratiques délétères pour les finances publiques comme pour les patients.
Le 5 octobre 2023, la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) a présenté un bilan provisoire de sa stratégie de lutte contre la fraude aux prestations avec un focus sur la lutte contre la fraude aux audioprothèses. Celle-ci représenterait un préjudice estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros. L’augmentation du nombre de personnes appareillées (de 447 000 en 2019 à 790 000 en 2022) s’est accompagnée d’une recrudescence des pratiques frauduleuses par des sociétés nouvellement créées par des non-audioprothésistes, à la faveur de la mise en place des remboursements du 100 % santé. On dénombre 1 500 nouveaux entrants depuis 2020, sur un total de 6 700 établissements. Au-delà des plaintes déjà déposées, une action ciblée sur 130 sociétés d’audioprothèse aux facturations atypiques est prévue dans les prochaines semaines.
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA) soutient les actions de la CNAM contre la fraude dans notre secteur. Ces pratiques portent atteinte à l’image de la profession et à celle des audioprothésistes dont le savoir-faire et l’engagement dans le suivi du patient conditionnent l’efficacité de l’appareillage. Au-delà des pertes financières induites pour l’assurance maladie, cette situation interroge sur les coûts bien plus conséquents induits par la perte de chance pour les patients victimes de ces pratiques frauduleuses. En effet, une étude scientifique récente à haut niveau de preuve parue dans The Lancet1 démontre que l’appareillage auditif est une des clés de la révolution de la prévention que souhaite mettre en œuvre le Gouvernement.
Le SDA alerte pourtant les pouvoirs publics depuis plusieurs années sur les dérives que ne manqueraient pas de produire la mise en place des remboursements revalorisés du 100 % santé, si celle-ci n’était pas accompagnée d’une révision concomitante de la trop légère réglementation de la profession d’audioprothésiste. En novembre 2021, le SDA s’inquiétait déjà du « risque de dérapage du 100 % santé en audiologie »2.
Pour réduire structurellement les possibilités de fraude tout en améliorant la qualité des soins auditifs, le SDA appelle à :
lier conventionnellement les remboursements de l'assurance maladie à l'audioprothésiste qui exécute l'appareillage et non à l'établissement qui l'emploie, comme c'est le cas actuellement, tout en préservant l’indispensable indissociabilité entre le dispositif médical et les prestations d’appareillage et de suivi. Cela permettrait le contrôle et la limitation instantanés des fraudes et des exercices illégaux, l’interdiction de la facturation d'aides auditives par d'autres fournisseurs de la LPP, et la mise en place d'un conventionnement sélectif, sans lequel les fortes inégalités territoriales actuelles ne feront que se renforcer ;
à défaut de fournir des moyens techniques et humains à l’administration pour gérer le tableau des audioprothésistes, créer un Ordre des audioprothésistes permettant que la profession, dont l'exercice est à 100 % libéral, finance elle-même sa régulation. L'Ordre assurerait le suivi des audioprothésistes autorisés à exercer, garantirait la diffusion, la promotion et le respect des règles déontologiques, et serait pourvu d’un pouvoir disciplinaire garant d’un exercice harmonisé de la profession et de la responsabilisation des audioprothésistes. Le futur « service public territorial de l'autonomie » pourrait aussi s’appuyer sur les audioprothésistes dotés d’un cadre d’exercice rénové et encadrés par l’ordre ;
mettre en place, comme le recommande l'IGAS, un décret de compétences qui définisse les actes réservés aux audioprothésistes, clarifiant son rôle et celui de ses assistants dans l’accompagnement des déficients de l’ouïe ;
supprimer la dérogation réglementaire, dont font l’objet les aides auditives, à l'interdiction générale de publicité des dispositifs médicaux. Cette modification est un non-sujet sur le plan économique au regard de l’ampleur des fraudes qu’elle facilite, et répond à un enjeu de santé publique. L’exclusion des audioprothèses du champ des biens de consommation permettrait d’en assurer la gestion dans une logique sanitaire.
1 Un essai contrôlé randomisé vient confirmer que l’appareillage auditif prévient le risque de déclin cognitif, SDA, 26.09.2023.
2 Malgré un succès incontestable, le SDA alerte sur le risque de dérapage du 100 % santé en audiologie, SDA, 09.11.2021.