12.12.19
Il ne fait aujourd’hui plus de doute que le déficit auditif non compensé accélère le déclin et le vieillissement cognitifs1, et que l'utilisation d'aides auditives est un facteur clé pour l'emploi des seniors et le « bien vieillir ».
Le rôle croissant que les audioprothésistes viennent à jouer dans la santé publique appelle de façon urgente à l’établissement de règles de bonnes pratiques opposables pour leur exercice. Les règles sommaires en matière d’information et de communication qui leur sont applicables, actuellement en dehors de tout contrôle2, doivent impérativement converger vers celles des autres professions de santé, en se conformant aux recommandations du Conseil d’État de juin 2018. Celui-ci préconisait notamment « que la communication du professionnel de santé soit loyale, honnête et ne fasse état que de données confirmées, que ses messages, diffusés avec tact et mesure, ne puissent être trompeurs, ni utiliser des procédés comparatifs, ni faire état de témoignages de tiers ». De plus, pour ce qui est de la formation initiale des audioprothésistes, les techniques d’explorations fonctionnelles et de réhabilitation auditive ont connu une évolution radicale ces 20 dernières années. L’UNSAF plaide de longue date pour que les programmes actuels, inchangés depuis 2001, soient impérativement actualisés et complétés. |
Des prises de parole fortes de scientifiques et de personnalités incontestés dans la filière auditive renforcent la nécessité d’agir. Publiée récemment3, une tribune4 signée par le Dr Natalie Loundon5 et le Pr Noël Garabédian6 traite de l’« important déficit dans la pratique quotidienne de certaines explorations audio-vestibulaires » dû notamment au « manque de représentants universitaires en audiologie ». Constatant « que déjà, le service rendu à la population n’est pas à la hauteur de l’attendu », ils concluent en ne doutant pas « que tous les intervenants se mettront autour de la table pour trouver des solutions acceptables par tous ». |
Dans la même publication7, le Pr Lionel Collet8 estime quant à lui que la « nouvelle nomenclature technique et la mise en place de la réforme du 100 % Santé mettent en évidence aujourd’hui une carence en médecins aptes à réaliser les explorations fonctionnelles audiologiques ». De fait, le départ des derniers titulaires de CES (certificats d’études spécialisées) en ORL « se fait d’ores et déjà sentir avec un engorgement des services hyperspécialisés voire, malheureusement, des diagnostics trop tardifs chez l’enfant occasionnant de véritables pertes de chance ». Relevant que « nous nous trouvons confrontés à une pénurie de spécialistes, en particulier pour l’enfant », le Pr Collet considère que « les seuls aujourd’hui à mes yeux à pouvoir s’en charger sont les audioprothésistes ». |
Au motif qu’« on ne dispose pas aujourd’hui de l’assurance que les malentendants ont accès partout sur le territoire au RAC zéro », il lui « semble que l’urgence est à la réorganisation et donc à une réflexion globale sur l’organisation de la filière auditive » et en appelle à « confier un rapport [à l’IGAS et à l’IGAENR9] pour obtenir des recommandations ». Et le Pr Collet de conclure : « la délégation des bilans aux audioprothésistes pourrait se faire dans un délai de deux ans. La conjonction d’une urgence de santé publique et d’une opportunité politique double avec le 100 % Santé et la loi Grand âge et autonomie fait que cela pourrait se passer maintenant ». |
Au regard du consensus à la fois sur le constat et sur la nécessité de sortir du statu quo impactant lourdement la santé auditive de la population, le Syndicat national des audioprothésistes (UNSAF) plaide pour que ces chantiers soient ouverts d’urgence. Sans quoi, c'est bien le succès du « 100 % santé » qui serait hypothéqué. |
1 Cf. la récente interview de Christine Petit, professeur au Collège de France et à l'Institut Pasteur.
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