10.10.18
Selon un sondage Ipsos réalisé en janvier 2011 sur un échantillon de 992 personnes, représentatif de la population française, le bruit sur le lieu de travail gênerait 39 % des actifs, soit plus d’un tiers des Français en poste.
Stress, fatigue inhabituelle, nervosité accrue, irritabilité, performance et efficacité diminuées... tels sont les signes avant-coureurs d’une surexposition au bruit sur le lieu de travail. Qu’elle soit occasionnelle ou permanente, les conséquences sont bien souvent irréversibles. Dommageable avant tout pour les salariés, les méfaits du bruit sont aussi un vrai problème pour les employeurs, d’autant plus que la qualité du travail peut s’en ressentir voire être à l’origine d’accidents.
Selon un sondage Ipsos réalisé en janvier 2011 sur un échantillon de 992 personnes, représentatif de la population française, le bruit sur le lieu de travail gênerait 39 % des actifs, soit plus d’un tiers des Français en poste.
Ces catégories professionnelles ont pris depuis des années la mesure du problème et ont rendu le port des protections auditives obligatoires. Mesure sans doute insuffisante mais néanmoins efficace, dans des secteurs où le contact verbal avec la clientèle n’est pas nécessaire. Il en va tout autrement dans des pans entiers de l’économie où se protéger devient délicat.
Adrien est étudiant en droit. Pour payer ses études il fait des extras le week-end au rez-de-chaussée d’un grand magasin, au rayon parfumerie. « Quand je rentre après ma journée de travail, j’ai les oreilles qui sifflent, des bourdonnements parfois des blancs. Après, ça se calme, mais j’appréhende le week-end suivant.... ». Cécile 45, ans est coiffeuse. « Jai toujours travaillé depuis l’obtention de mon CAP. Entre les sèche-cheveux et la musique du salon, le silence, je ne connais pas. » De plus, pour se détendre après sa journée de travail, dès qu’elle prend sa voiture elle enclenche sa musique préférée. « J’aime bien l’écouter un peu fort », confie-t-elle tout sourire. Pas étonnant alors qu’elle fasse souvent répéter les phrases quand on lui parle.
Cyril est un jeune chef cuisinier fort sympathique et toujours prêt à donner un coup de main aux copains, qui se plaignent pourtant de lui : « Il est super cool, Cyril, mais il hurle quand il parle. Quand on l’invite, cela nous pose de sérieux problèmes avec les voisins. Du coup, on ne l’invite plus, on se voit à l’extérieur. »
Plus curieux encore, parmi les métiers surexposés au bruit on compte les dentistes ou de personnes travaillant dans les crèches ou les garderies...
Inutile de préciser que le port de casques ou de bouchons d’oreilles serait mal vécu par les clients d’Adrien, de Cécile ou de Cyril ainsi que par leurs employeurs.
Ces quelques témoignages peuvent sembler anecdotiques, mais depuis 2006 (1), le bruit sur le lieu de travail est devenu un véritable enjeu de santé publique. Pourtant bien peu de salariés comme d’employeurs semblent en être informés et en être conscients.
Pour rappel, une exposition au bruit supérieure à 80 dB(A) durant une journée de travail met en danger l’ouïe. Dans un environnement urbain, ce seuil peut être rapidement atteint voire dépassé. (voir notre tableau comparatif des seuils de bruit)
Sous l’effet de la répétition de phénomènes bruyants ou de pics supérieurs à 130 dB(A), le risque de surdité irréversible devient réalité.
(1) Décret 19 juillet 2006 relatif aux prescriptions applicables en cas d’exposition des travailleurs aux risques dus au bruit et arrêté du 19 juillet 2006.
Seuil de douleur : 120 dB(A)
Circuit Formule 1 : 120 dB(A)
Discothèque, concert : 110 dB(A)
Baladeurs, casques : 80-110 dB(A)
Aboiement : 90-102 dB(A)
Cantine : 80-95 dB(A)
Moto dans la rue: 87-92 dB(A)
Tondeuse à gazon :85-95 dB(A)
Seuil de risque : 90 dB(A)
Train (intérieur) : 70-85 dB(A)
Métro/RER (intérieur) : 70-85 dB(A)
Rue gros trafic : 70-80 dB(A)
Salle de classe bruyante : 70 dB(A)
Télévision : 65-75 dB(A)
Sonnerie téléphone : 65-75 dB(A)
Aspirateur : 65-75 dB(A)
Intérieur de voiture : 60-75 dB(A)
Marché : 60 dB(A)
Salle de classe : 55-75 dB(A)
Lave vaisselle : 40-70 dB(A)
Rue résidentielle : 40-60 dB(A)
Bureau tranquille : 40 dB(A)
Jardin calme : 20 dB(A)
Entre 2009 et 2010, 2 400 médecins du travail ont répondu à l’enquête SUMER(1) (Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels) lancée par la direction générale du Travail et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, portant sur 48 000 salariés du secteur privé, des hôpitaux publics et d’une partie des fonctionnaires.
Les conclusions de l’enquête mettent en lumière que davantage de travailleurs sont exposés au bruit en 2010 mais ils font l’objet d’un meilleur repérage, probablement à la suite de l’abaissement du seuil réglementaire à partir duquel les salariés doivent faire l’objet d’une surveillance renforcée à 80 dB(A), intervenu en 2006.
La proportion de salariés exposés à des bruits supérieurs à 85 dB(A), toutes durées d’exposition confondues, s’est accrue, passant de 13 % en 1994 à 18 % en 2003 puis à près de 20 % en 2010. Cette hausse concerne toutes les catégories professionnelles, mais elle est notable pour les ouvriers, qu’ils soient qualifiés ou non-qualifiés. L’enquête révèle que la proportion de salariés exposés à un bruit supérieur à 85 dB(A) pendant 20 heures ou plus par semaine est restée stable autour de 6 % depuis 1994. Cependant la part des salariés lourdement exposés au bruit et ne disposant pas d’une protection auditive s’est réduite, passant de 2 % en 1994 à 1 % en 2010.
Secteur d'activité | CSP | Ensemble des salariés | ||||||||
Niveau d'exposition sonore >85dB(1) | Agriculture | Industrie | Construction | Cadres et professions intellectuelles supérieures | Professions intermédiaires | Employés administratifs | Employés de commerce et de service | Ouvriers qualifiés | Ouvriers non qualifiés | |
1994 | 34,7 | 26 | 28,2 | 2,7 | 8,1 | 0,4 | 1,0 | 28,8 | 27,4 | 13 |
2003 | 41,9 | 34,7 | 53,7 | 4,7 | 12,6 | 1,0 | 3,7 | 41,6 | 35,8 | 18,2 |
2010 | 38,2 | 39,3 | 57,7 | 5,5 | 13,1 | 1,7 | 3,8 | 46,8 | 39,7 | 19,5 |
Source : ANACT - Agence nationalepour l'amélioration des conditions de travail.
(1) L'évolution des risques professionnels dans le secteur privé entre 1994 et 2010 : premiers résultats de l’enquête SUMER - Dares Analyses - Publication de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques - Mars 2012 - N° 023
Si les ouvriers sont concernés au premier chef à 57% suivis par les employés (36%), les cadres supérieurs et les professions intermédiaires (28%) n’en sont pas éloignés.
Les gènes occasionnées par le bruit seraient pour 58 % des déclarants la fatigue et l’irritabilité pour 51 %.Plus grave, 39 % des personnes interrogées se plaignent d’acouphènes et 37 % de migraines consécutives au bruit.
Selon cette même étude, 56% des actifs ne bénéficieraient d’aucun contrôle auditif dans le cadre de leur travail alors même que 20 % des cas de surdité de l’adulte en seraient la cause. Sans parle de l’accroissement de 24 % des risques d’accident avec arrêt de travail.
De quoi prendre très au sérieux les nuisances dues au bruit.
Sondage IPSOS, réalisé en janvier 2011 sur un échantillon de 992 Français actifs selon la méthode des quotas.