10.10.18
« Un enfant malentendant n’est pas un adulte miniature », déclare Eric Bizaguet, président du collège national d’audioprothèse. Et pour cause, car la déficience auditive d’un nouveau né n’est pas comparable à celle d’un enfant en âge de parler ou de celle d’un écolier.
Tous les ans, un à cinq enfants sur 1 000 naissent avec une déficience auditive sévère ou profonde.
Depuis l’arrêté du 23 avril 2012 et celui du 3 novembre 2014, l'organisation du dépistage de la surdité permanente néonatale est obligatoire en France. Il a pour objectif la mise en place précoce de prises en charge adaptées pour favoriser le développement du langage et la communication de l'enfant sourd au sein de sa famille.
La première étape du dépistage consiste en une vérification de l'audition au cours du séjour en maternité par des méthodes objectives, non invasives. Son principal enjeu est, dans un souci d'équité, de rendre le dépistage accessible à tous les nouveau-nés
Ce dépistage comprend :
• un examen de repérage des troubles de l'audition, proposé systématiquement, avant la sortie de l'enfant de l'établissement de santé dans lequel a eu lieu l'accouchement ou dans lequel l'enfant a été transféré ;
• des examens réalisés avant la fin du troisième mois de l'enfant lorsque l'examen de repérage n'a pas pu avoir lieu ou n'a pas permis d'apprécier les capacités auditives de l'enfant ;
• une information des parents, le cas échéant, sur les différents modes de communication existants, en particulier la langue des signes française.
Une initiative qui, sans influencer la prévalence, devrait abaisser l’âge du diagnostic des surdités de l’enfant et celui de leur prise en charge. Dès lors, la profession des audioprothésistes se voit plus volontiers sollicitée pour l’appareillage de jeunes enfants, une population à laquelle elle a dû s’adapter.
Chez Audionath, on n’a pas attendu cette mesure gouvernementale. Audioprothésiste dans le 12e arrondissement de Paris, Nathalie Lafleur est spécialisée dans la prise en charge des tout petits, qui constituent 55 % de sa clientèle. Ses journées sont bien remplies, avec des consultations sur mesure, qui nécessitent beaucoup plus de temps que celles d’un adulte qui saura exprimer des ressentis, nuancer ses impressions. « Un enfant, ce n’est pas un adulte. Il faut se mettre à son rythme, gagner sa confiance » pour que la consultation ne se transforme pas en calvaire et qu’elle ne génère pas un stress inutile à la fois pour l’enfant et les parents. La praticienne a adapté son cadre de travail à ses jeunes patients et aux parents qui viennent parfois de bien loin, d’autant plus que pour la seule agglomération parisienne on compte quatre audioprothésistes spécialisées dans la prise en charge d’enfants. Dès la salle d’attente, le ton est donné. Un coin télé, un coin enfants, des revues, du thé, du café, un micro-ondes à la discrétion des patients et de leurs accompagnants qui voudraient réchauffer un biberon ou un petit pot laissé à leur intention dans le réfrigérateur du cabinet, sans oublier la table à langer...
Même disponibilité et même attention portée aux enfants chez Philippe Calfapoulos qui a une cabinet spécialisé dans l’appareillage pédiatrique au Pontet (84), « L'appareillage de l'enfant demande une approche complètement différente de celle d’une personne adulte. Il nécessaire d’avoir été formé de façon spécifique, mais surtout d’être expérimenté. Bien sûr, il faut connaître toutes les solutions techniques pour assurer la meilleure adaptation possible, les différents moyens de tester un enfant en fonction de son âge » explique-t-il.
L’écoute du patient, son observation sont des points primordiaux, comme celle des accompagnants d’ailleurs. Chez l’audioprothésiste, la première étape doit débuter par un dialogue très ouvert entre le praticien et les parents, qui ont de nombreuses angoisses et questions à formuler et auxquelles il faut prendre le temps de répondre À quoi sert une aide auditive ? Et l'implant cochléaire ? Quelle différence entre les deux ? Quelle efficacité ? Quel est le meilleur choix pour mon enfant ?... Ensuite, le professionnel effectue une observation très rigoureuse de l'enfant, dans sa globalité, et ce avec la participation et l'interaction des parents. Le spécialiste observe les réactions de l'enfant à divers stimuli, par le biais de jeux. Une fois que les informations collectées sont suffisantes, nous choisissons l’aide auditive qui semble la mieux adaptée.
Pour Nathalie Lafleur, l’information des parents s’accompagne aussi de celle des autres professionnels qui peuvent intervenir dans la vie du tout petit. « À Paris, nous travaillons dans des équipes pluridisciplinaires expérimentées qui se constituent autour de la prise en charge auditive de l’enfant. Nous accompagnons les parents en travaillant en réseau avec les autres intervenants, les pédiatres, les généralistes ou l’ORL mais également les psychothérapeutes, les éducateurs ou les assistantes sociales. » Il paraît essentiel de décloisonner les relations entre les différents intervenants, les sensibiliser, les informer pour qu’une action conjointe soit efficace. « En revanche, en province, la vraie difficulté réside dans la constitution de ces équipes pluridisciplinaires... » ajoute-t-elle.
Mais toute la complexité vient du fait qu’il s’agit d’appareiller un enfant qui, par essence, va évoluer, se modifier, bref grandir. Les seuils de son audition sont incertains, fluctuants et évolutifs en fonction de sa croissance. Prise d’empreinte et longueur de l’embout doivent s’adapter au jeune patient dont le conduit auditif est étroit, court et encore droit. La prise d’empreinte nécessite patience et expérience et devra se faire avec des matières souples. Les embouts doivent être de qualité, étanches pour éviter les risques d’apparition de larsen.
Comme le jeune enfant se trouve dans des situations le plus souvent assis ou allongé, qui vont évoluer avec sa croissance, le gain devra évoluer aussi en fonction des changements de ces paramètres.
En matière d’appareillage, le port de contours d’oreille offre beaucoup d’avantages. En effet, ils sont faciles à manipuler et présentent peu de risques d’être mal placés ou perdus. Ils sont résistants et conçus pour être faciles à utiliser régulièrement. En outre, les contours d’oreille fournissent une approche douce, non invasive, confortable, esthétique et efficace pour un appareillage précoce. Leurs embouts peuvent être changés souvent, chaque année, pour s’adapter au conduit auditif du bébé ou de l’enfant qui grandit rapidement.
De plus, les contours spécialement conçus pour les enfants sont équipés d’un verrouillage de sécurité du compartiment pile, pour éviter que les enfants l’ouvrent par inadvertance et risquent d’avaler les piles.
Quant aux choix des marques, on peut facilement accéder à des appareillages haut de gamme, fiables, de qualité, avec une grande flexibilité des réglages pour pouvoir corriger des surdités complexes et évolutives. Contrairement à l’appareillage des adultes, celui des moins de 20 ans bénéficie d’une bonne prise en charge par les caisses de santé. « On ne peut pas laisser un enfant sans aide auditive pendant une semaine ou 15 jours » explique-t-on chez Audition Delmas, audioprothésiste dans la région de Pau « Il faut une continuité dans l’utilisation de l’appareil auditif. » Car plus encore que pour l’adulte, plusieurs mois sont nécessaires pour que l’enfant s’habitue au port régulier de son appareillage.
En cas de problèmes auditifs des tout petits, les signes qui doivent alerter les parents et le personnel soignant sont univoques.
Durant les premiers mois de son existence, le bébé ne réagit à aucun bruit, même lorsqu’il est fort et soudain. En revanche il réagit fortement au toucher.
Avant l’âge de un an, les parents doivent s’inquiéter si l’enfant ne babille pas, s’il ne réagit pas lorsqu’on prononce son nom ou lorsqu’il est supposé entendre de la musique.
Un enfant normo-entendant produit différents cris ou sons pour signifier différentes choses (faim, peur, douleur, couche mouillée...), reconnaît les bruits familiers, sait distinguer le son d’une voix et un son autre, tourne la tête vers une source de bruit...
A un an et plus, l’enfant n’a pas prononcé une seule syllabe. Il n’imite pas les sons émis par ses parents. En revanche, il émet des sons incontrôlés. Il paraît inattentif, maladroit et s’exprime par des gestes.
Un enfant normo-entendant comprend « non » et « au revoir », babille de manière syllabique, est attentif à une conversation, s’intéresse aux livres d’images, comprend son nom, répond par le geste à des injonctions simples (apporte le livre)...
Entre deux et trois ans, l’enfant accuse manifestement un retard sur la parole et le langage. Il privilégie le contact physique vif.
Un enfant normo-entendant utilise des phrases simples, aime regarder les livres, utilise un vocabulaire de près de 500 mots, il répond quand on l’appelle par son nom, répète des mots, aime les histoires, les chansons, les comptines...
Après l’âge de trois ans, l’enfant est en retrait par rapport à ses camarades de jeu, à la fratrie. Il manifeste des difficultés d’attention et d’apprentissage.
Un enfant normo-entendant reconnaît les bruit familiers, aime chanter et fredonner des mélodies simples, pose la question « pourquoi », comprend les notions de temps (maintenant, bientôt, plus tard)...
(Source :Surdi information, Re-Sound)
Pour les moins de 20 ans, les prothèses auditives sont prises en charge à 60 % par la Sécurité sociale sur une base allant de 900 à 1 200 € en fonction de la classe de l'appareil.
La classe de l'appareil est définie en fonction de ses caractéristiques :
• catégorie A : 60 % de 900 € soit 540 € pris en charge ;
• catégorie B : 60 % de 1 000 € soit 600 € pris en charge ;
• catégorie C : 60 % de 1 250 € soit 750 € pris en charge ;
• catégorie D : 60 % de 1 400 € soit 840 € pris en charge.
L'appareil auditif d'un enfant est ainsi bien mieux pris en charge que celui d'un adulte pour lequel la base de remboursement n'est que de 199,71 €.
La classe d'un appareil auditif est déterminée par la Sécurité sociale. A correspond à un ancien appareil analogique. D correspond à un appareil numérique de dernière génération. B et C désignent des appareils intermédiaires.
L'implant cochléaire, indiqué pour les pertes d'audition sévères ou totales, est pris en charge à 100 % par la Sécurité sociale
Il existe également différentes mutuelles qui peuvent venir en complément des prestations de la Sécurité sociale et assurer une prise en charge à 100% des aides auditives, à l’exemple de la MMC.