29.04.25
Alors que France Assureurs et la Mutualité Française tentent de remettre en cause le « 100 % santé », le Syndicat des audioprothésistes (SDA) dénonce l’absence de concertation et l’orientation erronée d’un tel projet.
Plutôt que de remettre en cause l’accès à des soins essentiels et scientifiquement validés comme les soins auditifs, il serait urgent de s’attaquer à des sources d’économies bien identifiées : les frais de gestion des complémentaires santé, l’inutilité de leurs plateformes de « réseaux de soins », la complexité du tiers-payant complémentaire et la prise en charge de pratiques sans fondement scientifique récemment pointée du doigt par la mission d’information du Sénat. Le SDA appelle à un débat transparent, fondé sur des données vérifiées et l’intérêt des usagers.
Les dirigeants de France Assureurs et de la Mutualité Française ont récemment annoncé qu’ils comptaient proposer au Gouvernement diverses diminutions de remboursements dans le champ du « 100 % santé ». Ce faisant, ils appliquent aux professionnels de santé ce qu’ils reprochent aux pouvoirs publics : des annonces sans aucune concertation préalable. En outre, les trois professions du « 100 % santé », optique, dentaire et audiologie, présentent des situations hétérogènes pour ce qui est des remboursements des complémentaires santé1 et de leurs besoins d’évolution.
En audiologie, The Lancet a publié les résultats d’un essai contrôlé randomisé montrant que l’appareillage auditif réduit le déclin cognitif de 48 % sur 3 ans chez les personnes âgées à risque. Les soins auditifs participent à la prévention, au « vieillir en bonne santé », un levier primordial pour la soutenabilité de la dépense sociale face au vieillissement en cours de la population. L’équipement en aides auditives fait assurément partie du socle des soins essentiels. Preuve en est que l’IRDES, dans son enquête européenne2, a noté que « la Suède, l’Angleterre et la Belgique font le choix d’une solvabilisation des aides [auditives] par la solidarité nationale ».
Une récente mission du Sénat3 a été mise en place en réponse aux inquiétudes suscitées par les hausses de tarifs des complémentaires santé. Son constat : entre 2011 et 2022, « une augmentation de 33 % du montant nominal des frais de gestion. Cette progression s’est opérée deux fois plus rapidement que l’inflation, qui atteint 16 % sur la période ». Avant tout coup de rabot sur la prise en charge des soins auditifs, ne faudrait-il pas régler la dérive de ces frais de gestion ?
Participent à ces frais de gestion, les plateformes de « réseaux de soins ». Développées par les complémentaires, elles ont été autorisées par la Loi Le Roux du 27 janvier 2014 à conclure des conventions en optique, dentaire et audiologie dans le but de diminuer les restes à charge. Leur échec a conduit le gouvernement à mettre en place le 100 % santé dans les trois secteurs. Plus récemment, les « réseaux de soins » n’ont aucunement évité l’envolée de la fraude en audioprothèse4. À présent, les demandes de France Assureurs et de la Mutualité Française au Gouvernement de modifications des prises en charge du 100 % santé, démontrent l’incapacité des complémentaires et de leurs « réseaux » à gérer le risque. La suppression de ces coûteuses plateformes de « réseaux de soins » permettra de diminuer les frais de gestion.
Autre source possible d’économies, le tiers-payant des complémentaires où des dizaines de systèmes cohabitent. Leur complexité a atteint un niveau tel qu'elle induit une professionnalisation de ce service. Des sociétés tierces en on fait leur domaine d'activité : Tiers Payant Assistance, MR Gestion Tiers Payant, France Tiers Payant, Datamut... En imposant un système unique de tiers payant aux complémentaires santé, comme c'est le cas pour l’assurance maladie obligatoire, cette mesure de simplification aurait un impact important en favorisant un tiers-payant plus étendu et libérerait du temps de soins pour les patients chez les professionnels de santé. Alors que des violations de données ont été constatées chez les prestataires de tiers- payant des complémentaires5, un système unique contribuerait aussi à des normes de cybersécurité équivalentes à celles de la sphère publique. Cette mesure permettrait des économies massives pour l’hôpital, les pharmacies, les centres de santé, les professionnels de santé libéraux, et des frais de gestion diminués !
Au-delà, la prise en charge par les complémentaires santé des médecines dites « douces » ou « alternatives » (naturopathie, sophrologie, réflexologie, etc.)6 a interpellé la mission du Sénat7, comme elle offense les professionnels de santé. Elle pointe du doigt une « orientation stratégique contestable et inflationniste (...) instaurant une logique de crédit incitant à la consommation » dont les prestations « versées par les Ocam ont presque quintuplé en huit ans, pour avoisiner désormais le milliard d’euros ».
Alors que les rendements sur investissement des soins auditifs, 37 pour un, ont été documentés jusque dans les colonnes du Lancet, « l’efficience des montants versés au titre de ces prestations dont l’efficacité n’est pas prouvée scientifiquement a de quoi interroger, compte tenu des difficultés globales de financement de notre système de santé » déplorent les Sénateurs.
Avant tout coup de rabot sur des dépenses scientifiquement validées qui participent à la prévention, la soutenabilité de notre système de santé implique la régulation des frais de gestion et la fin de la prise en charge de prestations contestables par les complémentaires santé.
1 Comptes de la santé pour 2023 : les soins dentaires, l’optique et l’audioprothèse représentent respectivement 22 %, 17 % et 3 % des dépenses des complémentaires, communiqué SDA, 12.12.2024
2 Comparaison européenne de l’IRDES : la France dispose d’un panier d’aides auditives plus diversifié, sans file d’attente et aux restes à charge plus faibles que dans les autres pays, communiqué SDA, 17.10.2024
3 Complémentaires santé, mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français, Rapport d'information du Sénat, 24.09.2024
4 Les « réseaux de soins » des complémentaires n’ont aucunement évité l’envolée de la fraude en audioprothèse et ont contribué à la dégradation de la qualité, communiqué SDA, 29.10.2024
5 Violation de données de Viamedis et Almerys : le SDA plaide à nouveau pour un système universel de tiers-payant des complémentaires santé, SDA, 13.02.2024
6 Appelées « Pratiques de soins non conventionnelles » par le Ministère de la santé qui avertit sur leurs effets indésirables « mal, voire non connus ».
7 Rapport d'information du Sénat, op. cit. , p. 223 et suivantes.
À propos du SDA
Le Syndicat des audioprothésistes (SDA ex-UNSAF) est l’organisme professionnel représentatif des 5 100 audioprothésistes de France. Il siège à l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), l'Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL) et au Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP). Il est le signataire de la convention nationale de tiers-payant et de l’accord cadre interprofessionnel (ACIP), conclus avec les Caisses nationales d'assurance maladie.
Le SDA est aussi membre du World Hearing Forum de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il est présidé par Brice Jantzem depuis septembre 2022.
Centrales et enseignes partenaires du SDA : Audio Libre, Audition Conseil, Centrale des Audioprothésistes CDA, Dyapason, Entendre, Saga.