10.10.18
La multiplication des jouets sonores, dont le volume est souvent peu respectueux des normes en vigueur, devient donc une problématique de santé publique. Comment ces jouets provoquent-ils une déficience auditive ? Comment contrer les effets néfastes de cette pollution sonore chez les plus petits ?
La multiplication des jouets sonores, dont le volume est souvent peu respectueux des normes en vigueur, devient donc une problématique de santé publique. Comment ces jouets provoquent-ils une déficience auditive ? Comment contrer les effets néfastes de cette pollution sonore chez les plus petits ?
Le système auditif humain commence à se développer dès la vingtième semaine de grossesse, et gagne en finesse jusqu’à la naissance. A 20 semaines, on observe une réponse aux stimulis sonores de 115 décibels ; à 35 semaines, 85 décibels suffisent à provoquer une réaction chez le fœtus. Dès cette période, il est conseillé aux femmes enceintes de limiter leur exposition à des sources sonores trop importantes, qui risquent déjà de léser les cellules sensorielles de l’oreille de l’enfant.
Si l’ouïe des plus petits est développée dans sa totalité très tôt, elle reste cependant bien plus fragile et sensible que celles des adultes, lorsqu’ils sont exposés au même type de son. Cette sensibilité infantile entraîne un risque plus élevé de perte de l’audition lorsque le bébé est exposé à des sources sonores répétitives sans pour autant qu’elles dépassent les seuils concernés. Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’INSERM et les associations de malentendants tirent la sonnette d’alarme devant la recrudescence de troubles auditifs chez les enfants en bas âge et les adolescents. En France, en 2012, 12% des enfants présentent une perte d’audition due au bruit. Mais le problème ne se cantonne pas qu’à l’Hexagone…
Plusieurs études tentent de trouver la cause de ce nouveau fléau, et leurs résultats pointent tous la même cause…
Courant 2011, des chercheurs en otolaryngologie de l’université de Californie publiaient les résultats d’une étude de plusieurs années sur le lien entre le bruit des jouets et les déficiences auditives constatées chez les très jeunes enfants. Les 24 jouets les plus prisés par les enfants, et les parents !, furent soumis à une batterie de tests pour tenter de déterminer leur incidence dans l’apparition des troubles auditifs irréversibles. L’expérience consistait à évaluer le niveau sonore émis par chaque objet à une distance de 25 centimètres environ, soit l’équivalent de la taille d’un bras d’enfant. Tous les jouets utilisés pour l’étude présentaient un niveau sonore compris entre 90 et 100 décibels, alors que les normes en vigueur estiment qu’au-dessus de 85 décibels, l’exposition prolongée est nocive à l’audition…
Plus récemment, c’est l’association 60 millions de consommateurs qui a repris à son compte l’expérience américaine pour tester le niveau sonore de vingt jouets plébiscités sur le marché français (hormis les jeux vidéo). Même résultat de ce côté de l’Atlantique, bien que les normes soient différentes. Pour les spécialistes de l’audition et les médecins ORL, les consignes imposées aux fabricants excèdent le niveau sonore adéquat, et sain, pour les oreilles juvéniles. En France, le niveau sonore d’un jouet ne doit pas dépasser les 115 décibels (soit l’équivalent d’un marteau piqueur !), 80 (bruit d’un aspirateur ou d’un cri) s’il s’utilise près des oreilles. Or, les enquêtes* réalisées à ce jour montrent que certains hochets sonores atteignent les 109 décibels ; les téléphones musicaux à tenir contre l’oreille sont souvent mesurés à 130 décibels environ et la plupart des peluches musicales que nous glissons dans le lit de nos enfants frôlent les 105 décibels… Au-delà de 100 décibels, l’exposition sonore au jouet ne devrait pas excéder 15 minutes, sous peine de dommages auditifs irréversibles. Il suffit d’observer les enfants qui jouent ou de visiter une crèche pour se rendre compte que ces durées d’expositions sonores sont largement dépassées quotidiennement.
Chercheurs et médecins ORL en viennent donc à la conclusion que l’augmentation récente des troubles auditifs sévères constatés chez les enfants en bas âge s’explique en grande partie par la multiplication et l’usage de ces jouets sonores.
(*étude de Jean Louis Beaumier, ingénieur, pour l’université de Grenoble – Mai 2010)
Si les associations et les spécialistes de l’audition cherchent aujourd’hui à attirer l’attention du gouvernement sur ce problème de santé publique, ce n’est donc pas sans raison !
Les lésions auditives provoquées par une exposition prolongée à des bruits intenses touchent toutes les zones entre le conduit auditif et le cerveau. Chez l’enfant, les dégâts engendrés sont bien souvent irréversibles, puisqu’ils touchent majoritairement l’oreille interne. La destruction d’une partie des cellules chargées de transformer les vibrations sonores en influx nerveux conduit à une surdité prématurée et progressive. En effet, en matière d’audition, nous savons depuis plusieurs décennies maintenant que les dégénérescences sont cumulatives. Or, l’exposition à des niveaux sonores élevés commence dès le plus jeune âge, avec les jouets, puis se poursuit ensuite à l’adolescence, notamment avec les baladeurs numériques, les téléphones mobiles et autres appareils Hi-Tech de plus en plus présents dans le quotidien des jeunes.
L’OMS prévoit une augmentation considérable des interventions sur l’appareil auditif dans les années à venir, que ce soit en termes d’appareillages ou d’implants cochléaires. Si des solutions de traitement existent dans certains cas, il ne faut pas oublier que la surdité chez les enfants est encore mal diagnostiquée dans les cellules familiales et scolaires, et peuvent avoir de sérieuses conséquences sur le développement infantile social, scolaire, voire intellectuel pour certains psychologues.
La norme NF EN 71 qui régit le niveau sonore des jouets sur le marché français devrait être revue à la baisse dans les mois qui viennent, pour correspondre aux normes européennes. Les professionnels de l’audition attendent beaucoup de ce projet de réforme qui permettra de limiter les conséquences irréversibles d’une exposition à des niveaux sonores trop intenses. Cependant, en l’état actuel de la loi, seuls les parents peuvent agir à leur niveau pour protéger l’ouïe des plus petits, en évitant par exemple l’achat de multiples jouets bruyants ou en effectuant soigneusement leurs choix …